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L'industrie du troisième millénaire

  in Le Monde, dimanche 27, lundi 28 janvier 2002

 

Revue de Presse

Les enchères montent pour le rachat de Drouot

 

Nutrisco et Extinguo

Un rachat qui ne serait donc pas incompatible avec la proposition de la Barclays.

L'homme d'affaires Pierre Bergé et la Barclays défendent des projets concurrents de reprise de la maison de ventes parisienne

DES ENCHÈRES à Drouot, rien de plus normal. Des enchères sur Drouot, le cas est moins fréquent. Dix jours après Pierre Bergé, ancien président d'Yves Saint Laurent Couture, qui avait annoncé le 7 janvier son désir d'acheter la majorité des parts que les 110 commissaires-priseurs parisiens, regroupés en 70 charges, détiennent au sein de Drouot S.A., pour un montant estimé à 122 millions d'euros, la société d'investissement Barclays Private Equity (BPE) a déposé une offre de rachat concurrente. Et d'autres entités plus discrètes sont en piste.

Accueillant, Pierre Bergé a déclaré être prêt à s'associer. Interrogé par l'AFP, Olivier Millet, directeur général de la BPE, a décliné l'invitation : "Barclays a un projet radicalement différent de celui de Pierre Bergé. Notre proposition illustre le souci de préserver l'indépendance de chaque commissaire-priseur." Son PDG, Gonzagues de Blignières, a enfoncé le clou : "Ce sont deux opérations concurrentes. Nous travaillons seuls pour notre compte avec les commissaires-priseurs."

Interrogé par Le Monde, Pierre Bergé est serein : "La Barclays a présenté un projet concurrent. Je crois qu'ils ne l'envisagent que sous l'angle d'une affaire financière. Ils sont intéressés par La Gazette de l'Hôtel Drouot. Moi, je propose un projet d'entreprise. Il n'y aura pas de plus-value, ni de stock-options ni toutes ces bêtises dont on sait aujourd'hui ce que ça peut devenir." L'hebdomadaire La Gazette, qui tire à 60 000 exemplaires, est en effet une proie tentante, qui a un temps attiré le groupe Hachette-Fillipachi.

De plus, depuis juillet 2001, "@uction press", la partie de Drouot éditrice de La Gazette, mais aussi du Moniteur des ventes (un bi-hebdomadaire consacré aux ventes judiciaires qui entre pour près d'un cinquième du résultat net de l'entreprise), fait l'objet d'une proposition de rachat du groupe Artprice. Surnommé "le provocateur du Net" (Le Monde du 19 avril 2001), son fondateur, Thierry Ehrmann, précise ses intentions : il s'interdit toute pratique de commerce d'art, et n'est intéressé que par le pôle presse et Internet de Drouot. Un rachat qui ne serait donc pas incompatible avec la proposition de la Barclays.

" La Gazette n'est pas un journal, explique Thierry Ehrmann. C'est un "gratuit-payant", alimenté par les annonces des commissaires-priseurs, qui les publient à des tarifs préférentiels. Il ne bénéficie donc pas de la commission paritaire. Surtout, Le Moniteur me semble plus rentable, avec un résultat net plus intéressant. En se couplant avec notre expérience du net, notre projet permettrait à @uction press d'être exhaustif. Et d'envisager, à travers notre partenaire Bernard Arnault, un couplage avec sa revue Art & Auction."

Et puis, il y a Drouot, ses locaux et les 690 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés en 2001. Selon Me Millon, un des meilleurs connaisseurs de la maison, "le label Drouot, tout le monde l'attend depuis quinze ans. C'est le moins cher sur le marché, et celui qui a la plus grosse marge de progression potentielle".

Pierre Bergé préfère parler au cœur qu'au portefeuille : "Ce n'est en aucun cas un projet financier. Drouot se confond entièrement avec ma vie et celle d'Yves Saint Laurent", explique-t-il dans son bureau de l'avenue Marceau, en jouant avec un rarissime mobile de Calder. "Je n'ai pas de business plan. Je n'en ai jamais fait. Qu'est-ce que je vais faire ? Je n'en sais rien. En discutant, il me vient des idées. Concentrer les ventes, par exemple, en regroupant les genres. Mais je n'ai pas pour ambition de concurrencer Sotheby's ou Christie's. Il y a une identité propre de Drouot. Il faut juste que cela cesse d'être simplement un immeuble pour devenir une maison. Les commissaires-priseurs pourront en être salariés, ou recevoir d'autres types de rémunération. Mais nous pouvons regrouper les services généraux, la comptabilité, la communication, et les décharger de tous les soucis de ce genre. Commissaires-priseurs et experts pourront se concentrer sur le rôle d'apporteurs d'affaires. Et pourquoi pas ouvrir des antennes à l'étranger, Londres et New York, pour commencer ?"

Les commissaires-priseurs sont dubitatifs. Le président de la Compagnie parisienne, Me Dominique Ribeyre, a déclaré son intérêt pour la proposition, tout en précisant que ses confrères étaient divisés : "Certains commissaires-priseurs sont très favorables à cette opération, d'autres très opposés, d'autres encore hésitants." Me Millon, qui a bataillé quinze ans durant pour un regroupement de ce genre, est plus précis : "25 % sont farouchement pour, 25 % farouchement contre. Toujours ce vieil individualisme des commissaires-priseurs qui pensent pouvoir se débrouiller seuls..." Ou encore, amusante déformation professionnelle, estiment valoir plus cher et tentent de faire monter les enchères.

La proposition de rachat faite par Pierre Bergé est valable jusqu'au 31 janvier. S'il n'obtient pas alors la majorité des parts, il abandonnera son idée : "Si cela échoue, je serai triste, car je sais que c'est un beau projet, probablement le dernier que je pourrai mener à bien, et celui qui me ressemble le plus. Les autres ont acheté des maisons de ventes. Moi je veux la construire."

Harry Bellet
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